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Le cas de Khaldun


Ma mère m’a appris à surmonter les difficultés
Il me semblait que c'était un rêve ou bien que j'étais en train de visionner un film au cinéma et que bientôt je  me réveillerais rentrerais chez moi, au milieu de mes proches... Puis ce sentiment se dissipa et je redevins conscient de ma propre réalité…
Vous étonnerez-vous sans doute, de cette expression, «Redevenir conscient de sa propre réalité» et de ce qu'elle veut bien vouloir dire!
Cela veut dire que la réalité autour de moi n'est pas animée de vie...
Afin que vous saisissiez ma situation, approchez un peu, non pour me regarder mais pour vous rendre compte...Oui je suis bien ce grand corps inanimé, étendu sur un lit comme il en existe tant dans tous les hôpitaux... Mon corps est relié à un appareil de respiration assistée, sans lui il ne peut survivre... Je ne suis pas dans un service de réanimation... Je suis bien chez moi...et l'état dans lequel je me trouve n'est pas la conséquence d'un banal accident qui me serait survenu, par la suite duquel je recouvrirais la santé après quelques jours comme pour la plupart des malades...Cet état est ma vie... C'est cela le rêve, le film cinématographique que je comptais quitter mais avec lequel je dois dorénavant vivre... Voilà, telle est ma condition depuis dix ans mon Dieu... dix ans... siècles ou instants...jours difficiles et nuits longues et pénibles, mais approchez un peu plus, (pour) que je me présente à vous...
Rencontrer Dieu pour le remercier
Mon nom est Khaldun... On dit que le sort d'une personne est en quelque sorte influencé par son nom... Ma destinée serait-elle de rester à jamais dans une situation difficilement supportable par le commun des mortels... C'est ce que j'ai cru pendant un temps mais aujourd'hui j'aime à croire que le DESTIN qui me rattacherai à mon nom serait de ressembler à Ibn Khaldun: fondateur d'une attitude de vie nouvelle qui permettrait à une personne non normale de mener une vie normale et qui deviendrait un exemple à suivre pour les générations futures. A chaque fois; qu'elles s'égareraient, elles se rappelleraient de moi, reprendraient courage et se remettraient sur le chemin de la réussite.
Dieu m'a gratifié d'une mère admirable, surpassant en mérite beaucoup d'autres. Elle ne s'est pas contentée de vêtir ou de nourrir mais elle a élevé, enseigné, encouragé, exercé, je ne saurais comment la décrire mais elle appartient à une catégorie peu commune. Jadis, lorsque j'étais encore un jeune garçon, que je courrais ou que je tapais des pieds, elle me suivait de ses yeux emplis de tendresse et d'amour, tour à tour elle me suivait, elle me berçait et me guidait. Elle m'a soutenu afin que je me surpasse dans tous les domaines... Que ce soit dans les études ou le sport. Ma mère m'a appris que la vie devait être succès et que celui-ci était une affaire de volonté. Elle m'a aidé à forger ma volonté depuis mon enfance et je ne l'ai jamais trahie. Je suis devenu ce qu'elle voulait que je sois. Un fils ayant brillamment réussi. J'ai eu mon baccalauréat en 1994 et je me préparais à entrer à l'université avec des notes me permettant l'entrée en faculté de médecine. Je préférai cependant l'ingénierie et l'informatique.
Jeune homme, je passais beaucoup de temps dans l'effort, le travail, l'astreinte et méritais donc de prendre un peu de loisir... Un jour d'été, sur la plage de Tartous, je m'apprêtais à faire une promenade en barque... Ma mère m'a appris à surmonter les difficultés car les hauts  sommets de la réussite méritent que l'on se donne de la peine...
Mais le sort en a décidé autrement.
Comment me suis-je heurté la tête sur quelque chose de dur au fond de l'eau?... Comment me suis-je réceptionné avec tout le poids de mon corps sur un petit os qui s'est brisé?... Je n'en sais rien. Tout ce dont je me rappelle, ce sont les gens autour de moi me portant. Je les entends crier: "à l'hôpital!"... Et d'hôpital en hôpital, et de médecins syriens en médecins russes. Que d'appareils et d'opérations... et… et... Je ne veux pas être exhaustif
Ma mère était à mes côtés, que Dieu lui accorde Sa miséricorde. Il n'est pas de porte à laquelle elle n'ait frappé ou de voie qu'elle n'ait empruntée pour me soutenir et aider à ma guérison. Elle n'a pas ménagé d'efforts pour me permettre de tenir bon et de terminer mes études, jusqu'à ce que son corps s'effondre. Elle décéda, me confiant à la garde de mon père et de ma sœur, que Dieu les récompense pour leurs efforts.
Ma condition en resta là telle que vous me voyez aujourd'hui. Tétraplégie complète... Je ne peux utiliser ni bras, ni doigts, ni jambes. Une paralysie du diaphragme me rend inapte à respirer seul, et donc je vis avec ce poumon artificiel. En résumé, je suis une tête vivante dans un corps déjà mort. Je parcours le monde de mes yeux et je communique avec les personnes alentour à l'aide de mes oreilles et... de ma langue.
Ma mère était à mes côtés
La réalité de ma condition était telle qu'elle aurait dû enjoindre une personne de mon cas à quitter le chemin de la vie, prendre le bas-côté de la route et rester ainsi terré, en attendant que mort s’ensuive. Dans les meilleurs des cas elle n'enviera pas les gens dans leur quotidien actif. Bien plus, elle s’apitoiera sur son sort, se serrant les lèvres en essayant d'accepter son destin.
Mais je ne suis pas ainsi. Oui, ma mère m'a enseigné que la réussite était question de volonté et ma paralysie n'avait en rien entamé ma volonté. Dieu m'a fait don d'une famille et d'amis qui m’ont soutenu. Alors j’ai appris la programmation et les programmes de dessins animés en trois dimensions. Vous me demanderez comment je manie un tel appareil complexe sans doigts ni mains. Je me sers de ma langue et de mes lèvres... Ne bougent-elles donc pas? C'est vrai, cela n'a pas été facile et je suis passé par des étapes et j'ai essayé et réessayé, ma famille et mes amis m'aidant à maintenir la souris en place et à la manier ou encore à la ré-fabriquer ou à la réinventer. Des jours et des mois interminables! Des allergies contractées aux lèvres à cause du maniement de la souris et une autre aux yeux avec de nouveau tout leur cortège de médicaments et de pommades. Cependant, je n'ai jamais perdu espoir et je n'ai jamais abandonné mes tentatives. Je finis par maintenir une sorte d'écouteurs en place sur ma tête en guise de harnais enserrant la souris. Je la manie de cette façon. Mais ce n'est pas tout, ayant l'habitude de faire mon travail consciencieusement, j’ai fini par maitriser la programmation en C++. Mon travail est tombé entre les mains du responsable d’un immense projet destiné aux enfants; il m'a testé et j'ai réussi. J'ai passé les tests et je suis devenu l'un  de ses programmateurs. Je ne chôme pas. Je suis actif et sans cesse à la recherche du progrès et n'ai d'autres alternative que le succès.
Pardonnez-moi, si tous les gens se gardent d'utiliser le "je", moi je n'ai d'autre sujet à évoquer que mon travail et je suis fier de mon succès car il est tout ce que je possède dans ma vie. Je désire, le jour de la Rétribution, rencontrer Dieu en Le remerciant pour Ses bienfaits, satisfait de ce qu’Il m’a octroyé, de ce qu'il m'a pris et de ce qu'il m'a offert et lui dire :"mon Dieu, Tu m’as gratifié d’une langue pour invoquer Ton souvenir, d'un cœur qui Te remercie et d'un corps patient dans l’adversité. Voici ma modeste contribution avec ce que Tu m'as accordé comme faveurs. Oui je souhaite que mon travail soit remarquable afin de mériter le contentement de Dieu et Sa grâce. Il me semble avoir presque atteint mon objectif et je vous attends tous -pour ceux qui m'ont précédés et ceux qui me suivront - sur les sommets de la réussite.
Extrait du Journal de l’AMAI du mercredi 28 Joumada Al oulla 1378 (Mai 2010).